En cette semaine de rentrée des classes, je souhaite partager avec vous quelques pensées sur la question de l’éducation altruiste. Celle-ci pourrait s’apparenter à une éducation qui ne se limite pas au développement intellectuel, mais qui englobe également l’éducation des qualités humaines fondamentales. De nombreuses écoles ont d’ailleurs exploré les différentes façons de l’exploiter.
En 2012, le Dalaï-lama a identifié « l’éducation du cœur » comme l’une des priorités de ce siècle. Le Mind and Life Institute en présente aujourd’hui les bienfaits : proposer aux élèves et étudiants cette « éducation du cœur », qui serait complémentaire aux enseignements traditionnels des programmes scolaires. Ils théorisent cette éducation contemplative comme une « approche holistique qui aide les étudiants et les enseignants à développer des compétences pratiques pour comprendre et gérer leur propre esprit, compétences qui sont transformatrices et fondamentales pour un développement sain de chaque personne » (1). Elle combine les connaissances issues de la recherche moderne – par exemple les neurosciences – avec les pratiques des philosophies et pratiques traditionnelles fondées sur la sagesse. Karuna-Shechen, l’association humanitaire que j’ai fondée, s’efforce elle aussi de proposer une telle éducation aux enfants défavorisés qu’elle accompagne en Inde et au Népal (pour en savoir plus: https://karuna-shechen.org/fr/actualite/decouvrir-partager-et-cooperer-pour-changer-la-societe/).
Cette approche plus intégrée des pratiques contemplatives au sein des cursus scolaires n’est pas nouvelle. En Inde, en janvier 2013 et à l’initiative du Dalaï-lama, l’Université de Delhi décide d’inclure des cours de « valeurs humaines séculières » dans toutes ses formations. Aux États-Unis, sous l’impulsion du pédagogue et psychologue Mark Greenberg, plusieurs centaines d’écoles enseignent aux enfants à mieux reconnaître et gérer leurs émotions et celles des autres, ce qui contribue à diminuer le nombre des conflits (2). En France, des éducateurs comme Daniel Favre, neuroscientifique et professeur en sciences de l’éducation à l’IUFM de Montpellier, ont montré par leurs travaux et leur expérience de terrain que l’on pouvait remotiver les élèves et réduire la violence en milieu scolaire (3).
Il y aurait donc des bienfaits certains à la mise en place de programmes qui incluent une forme d’entrainement de l’esprit : cela permet non seulement de cultiver des qualités d’analyse, d’autocritique, et aussi d’encourager à la coopération et au partage, et donc à un vivre-ensemble plus paisible et altruiste.
On peut également imaginer que des programmes éducatifs qui incluent les pratiques contemplatives, comme la pleine conscience et la méditation, contribuent à un développement plus heureux et plus altruiste des êtres humains. Un programme éducatif lancé en 2018 à Delhi en Inde, surnommé le « Programme du bonheur », centre ses enseignements sur l’amélioration du bien-être mental des élèves, se fondant sur la science des émotions et le concept de la « Triade du bonheur » du philosophe Agrahar Nagraj Sarman – qui différencie le bonheur immédiat, le bonheur profond et le bonheur durable (4). « Le programme enseigne la pleine conscience, l’apprentissage socio-émotionnel, la pensée critique, la résolution de conflits et l’établissement de relations. Il a été introduit pour que les élèves développent leur conscience émotionnelle et l’intègrent dans la prise de décision, avec pour objectif de doter les élèves des compétences et de l’environnement nécessaires pour qu’ils puissent se concentrer sur un objectif et explorer une idée nuancée du bonheur » (5).
Plusieurs recherches, telles que celles menées par Tania Singer et ses collègues, ont montré que, grâce à des pratiques contemplatives, « la formation à l’attention et à la compassion stimule efficacement les comportements à motivation altruiste » (6). En conséquence, les pratiques contemplatives peuvent avoir un impact réel sur les actions altruistes au sein d’une communauté.
Comme le suggère le Dalai Lama : « L’éducation ne se résume pas à transmettre le savoir et les compétences permettant d’atteindre des buts limités. Elle consiste aussi à ouvrir les yeux des enfants sur les droits et les besoins des autres. Il nous incombe de les amener à comprendre que leurs actions ont une dimension universelle, et nous devons trouver un moyen de développer leur empathie innée de manière qu’ils acquièrent un sentiment de responsabilité envers leur prochain. Car c’est cela qui nous pousse à agir. » (7)
Ce serait donc en proposant des outils et des enseignements différents qui permettent de cultiver des qualités comme la compassion, l’altruisme, la bienveillance ainsi que des savoir-faire comme la coopération, le partage, l’écoute active, que l’on progressera, pas à pas, vers un monde plus juste, plus paisible, plus altruiste.
Pour découvrir les projets et actions mises en place par Karuna-Shechen pour proposer une éducation altruistes tout au long du cycle scolaire des enfants en Inde et au Népal, rendez-vous sur ce lien:
https://karuna-shechen.org/fr/actualite/une-education-altruiste-pour-un-monde-altruiste/
Notes
1. Harry R. Lewis (2006). Excellence Without A Soul: How a Great University Forgot Education
2. Greenberg, M. T. (2010). School-based prevention: current status and future challenges. Effective Education, 2(1), 27–52.
3. Favre, D. (2006). Transformer la violence des élèves : Cerveau, motivations et apprentissage. Dunod ; Favre, D. (2010). Cessons de démotiver les élèves : 18 clés pour favoriser l’apprentissage. Dunod.
4. Nagraj, A. (2015). Philosophy of Human Behaviour, Jeevan Vidya Prakashan, Amarkantak.
5. These Indian schools are giving lessons in happiness. World Economic Forum. Retrieved 2020-05-08.
6. Böckler, A., Tusche, A., Schmidt, P., & Singer, T. (2018). Des entraînements mentaux distincts affectent différemment les comportements prosociaux altruistes, normatifs et autodéclarés. Scientificreports, 8(1), 13560. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6131389/
7. Dalaï-lama, G. T. (1999). Sagesse ancienne, monde moderne. Fayard.