« Les deux tiers de la population du Bangladesh sont plongés dans la pauvreté. Ces gens-là n’ont rien à faire avec les banques. Les mains vides, ils sont impuissants. Le microcrédit est arrivé pour remplir le vide laissé par les banques. Au début, les grandes institutions financières ont déclaré que c’était impossible. Nous leur avons montré que cela fonctionnait très bien.
Grameen Bank ne fait venir aucun argent de l’extérieur. Nous recevons uniquement l’argent que les gens déposent chez nous. Il s’agit pour la plupart de femmes qui nous font de petits emprunts et nous confient aussi leurs économies, quand elles en ont un peu. Nous devons proposer aux femmes à qui nous prêtons des plans qu’elles sont capables de comprendre, et qui sont à la fois simples et attrayants. Nous avons actuellement 8,5 millions d’emprunteurs dans 80 000 villages. Ce ne sont pas les gens qui doivent venir à la banque, c’est Grameen Bank qui, chaque semaine va vers eux, jusqu’à leur porte.
Je n’ai jamais acheté ni possédé une seule action de Grameen Bank. L’argent ne m’intéresse pas. Aujourd’hui, après 37 ans d’expérience, nous prêtons chaque année 1,5 milliard de dollars. Et plus de 99 % de cette somme sont remboursés.
De nombreuses grandes compagnies possèdent des fondations caritatives. Celles-ci pourraient facilement se convertir à l’économie sociale et devenir des instruments beaucoup plus puissants. Elles ne signeront pas de chèques. Dans les entreprises sociales, vous devez vous engager vous-mêmes et apporter votre sollicitude et votre pouvoir créatif. Cela devient ainsi beaucoup plus gratifiant.
La science-fiction a toujours une longueur d’avance sur la science. Mais une grande partie de ce qu’était hier de la science-fiction est aujourd’hui de la science. De la même façon, on devrait écrire de la « sociale fiction » et inspirer les gens, qui se diraient alors : Pourquoi pas ? On n’opère pas de vrais changements en faisant simplement des prédictions. Celles-ci sont notoirement connues pour ne pas prédire correctement le futur. Personne n’a prédit la chute du mur de Berlin, ou de l’Union soviétique, mais cela s’est passé très vite. Nous devons donc imaginer le futur, puis le faire devenir réalité. »
Extraits de propos de Muhammad Yunus prononcés à l’Université de la Terre, UNESCO, à Paris, le 27 avril 2013.