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La bonté humaine-2

Dans son inspirant ouvrage La bonté humaine, Jacques Lecomte cite un texte de Mordecai Paldiel, qui fut directeur du département des Justes parmi les nations, en Israël. Selon lui, c’est la bonté fondamentale, présente en chacun de nous, qui est la clé qui nous ouvre la compréhension des comportements de ceux qui ont risqué leur vie pour sauver leurs semblables. Pour Paldiel, les actions des sauveteurs démontrent que l’altruisme est une « prédisposition humaine innée ». Selon les mots de Paldiel:

« Plus j’examine les actes des Justes parmi les nations, écrit-il, plus je doute de la validité de la tendance habituelle à magnifier ces actions dans des proportions déraisonnables. Nous avons tendance à regarder ces bienfaiteurs comme des héros : d’où la recherche de motivations sous-jacentes. Cependant, les Justes se considèrent eux-mêmes en rien comme des héros, et perçoivent leur comportement durant l’Holocauste comme parfaitement normal. Comment résoudre cette énigme ?

Pendant des siècles, nous avons subi un lavage de cerveau par les philosophes qui ont mit l’accent sur l’aspect détestable de l’homme, soulignant sa disposition égoïste et malveillante, au détriment de ses autres attributs. Consciemment ou non, avec Hobbes et Freud, nous acceptons la proposition selon laquelle l’homme est essentiellement un être agressif, enclin à la destruction, concerné principalement par lui-même, et seulement marginalement intéressé par les besoins des autres (…)

La bonté nous stupéfie, car nous refusons de la reconnaître comme une caractéristique humaine naturelle. Aussi, nous cherchons longuement une motivation cachée, une explication extraordinaire de ce comportement si particulier. (…)

En cherchant une explication aux motivations des Justes parmi les nations, ne sommes-nous pas en train de dire : mais qu’est-ce qui n’allait pas chez eux ? Ne sommes-nous pas, dans un sens plus profond, en train de sous-entendre que leur comportement était anormal ? Est-ce possible que nous créons ainsi un problème là où il ne devrait pas y en avoir ? (…)

Au lieu d’essayer de mettre poliment de la distance entre eux et nous tout en louant leurs actions, ne serait-il pas préférable de redécouvrir le potentiel altruiste en nous ? Aider de temps en temps quelqu’un, même si c’est particulièrement difficile, fait partie de notre nature humaine et de nos comportements. (…)

Ne cherchons pas des explications mystérieuses de la bonté chez les autres, mais redécouvrons plutôt le mystère de la bonté en nous-mêmes. »

Paldiel M. (8 octobre 1989). Is goodness a mystery? Jerusalem Post.