En 2018, soyons altruiste, c’est ce qui peut nous sauver, nous et notre planète. La plupart du temps, la plupart des 7 milliards d’êtres humains se comportent de manière décente les uns envers les autres. Quelle que soit l’abomination des violences qui sont perpétrées de par le monde, elles ne sont que d’abjectes exceptions à ce qui constitue la trame de notre existence: la banalité du bien.
Le fait même qu’elles soient des aberrations et des déviances les propulse quotidiennement dans les titres de l’actualité. Ceci ne doit pas pour autant nous faire sombrer dans le syndrome du « mauvais monde ». L’évolution nous a équipés pour être attentifs à tout danger potentiel. Mais la vaste majorité des relations humaines sont constructives plutôt que destructrices.
Contrairement aux idées reçues, la violence n’a cessé de diminuer au fil des siècles. Au XIVe siècle en Europe, on comptait 100 homicides par an pour 100.000 habitants. Aujourd’hui ce chiffre est tombé à 1. C’est-à-dire que la probabilité que nous soyons l’objet d’un meurtre dans l’année en France est aujourd’hui 100 fois moindre qu’au XIVe siècle. Il en est de même de toutes les autres données concernant la violence. Pour prendre un autre exemple, les sévices et abus infligés aux enfants ont diminué de moitié aux États-Unis durant les vingt dernières années.
Bien d’autres progrès ont été réalisés. Grâce aux Objectifs du Millénaire pour le Développement des Nations Unies, en vingt ans le nombre des personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté est tombé d’un milliard et demi à 750 millions. C’est encore beaucoup trop, mais ce nombre est en baisse constante.
De nombreuses études scientifiques ont également montré que si nous pouvons certes nous comporter de manière détestable, en tant qu’animal social, nous avons dès la plus petite enfance une prédisposition plus forte à la coopération qu’à la compétition. Qui plus est, dès l’âge d’un an, les enfants préfèrent clairement les personnes altruistes à celles qui se comportent de manière hostile à l’égard d’une tierce personne.
C’est pourquoi, si nous voulons relever les défis du XXIe siècle, l’égoïsme ne fera pas l’affaire. Nous sommes confrontés à trois types de défis. À court terme, il nous faut assurer notre survie et prospérer au mieux. À moyen terme, nous espérons accomplir nos aspirations les plus chères et à mener une vie qui vaille la peine d’être vécue. À long terme, un nouveau défi se présente à l’humanité tout entière: il y a seulement 10.000 ans, nous n’étions que 5 millions d’humains sur Terre environ, et ne pouvions guère nuire à notre planète. Aujourd’hui nous sommes 7 milliards et disposons de moyens technologiques infiniment plus puissants. Pour la première fois dans notre histoire, nous avons la capacité de modifier considérablement les conditions de vie sur terre. Bienvenue dans l’Anthropocène, le premier âge géologique durant lequel l’être humain est devenu le principal facteur de changement sur la planète. Mais si cet immense pouvoir n’est pas allié à la même magnitude de considération du sort d’autrui, il nous mène tout droit à la sixième extinction majeure des espèces depuis l’apparition de la vie sur terre — la cinquième remontant à l’époque des dinosaures.
Mis à part quelques fous furieux — il en existe quelques-uns nous le savons —, la plupart d’entre nous aspirent à un monde meilleur. Pour cela nous avons besoin d’un concept qui unisse nos préoccupations concernant le court, le moyen et le long terme. Il est essentiel que les scientifiques spécialistes de l’environnement, les décideurs qui influencent le sort de la société, et les individus concernés par le court terme (de ceux qui s’inquiètent de leur survie aux investisseurs financiers), puissent s’asseoir à la même table pour œuvrer ensemble à l’accomplissement de ce monde meilleur. Pour cela, ils ont besoin d’un concept unificateur. Le plus pragmatique qui soit est l’altruisme: si nous avons davantage de considération pour autrui nous irons vers une économie positive et solidaire (qui soit au service de la société et non le contraire !); si nous avons davantage de considération pour autrui, nous œuvrerons à la justice sociale et réduirons les inégalités qui augmentent depuis trente ans dans les pays nantis ; et surtout, si nous avons davantage de considération pour autrui, nous nous préoccuperons sérieusement du sort des générations futures. Comme nous le rappelait Martin Luther King, à l’aube de cette nouvelle année, « C’est à chacun d’entre nous de décider s’il marchera dans la lumière de l’altruisme créatif ou dans les ténèbres de l’égoïsme destructeur. »