Pendant le Forum Economique Mondial de Davos qui vient de se tenir et auquel j’ai participé en tant que conférencier, quelques rares voix qui réclamaient plus d’altruisme et un plus grand sens des valeurs m’ont inspiré. Dans la session « Repenser les valeurs dans le monde de l’après-crise », Mohammad Yunus, le lauréat du prix Nobel qui créa le micro-crédit permettant aux pauvres d’échapper par eux-mêmes à la pauvreté, et qui le pratiqua à grande échelle, dit en substance :
‟Il n’est pas nécessaire de changer la façon de faire des affaires, il suffit de changer l’objectif poursuivi. Une économie dont le but n’est que la recherche du profit est égoïste. Elle rabaisse l’humanité à une seule dimension, celle de l’argent, ce qui revient à ignorer notre humanité. Et puis il y a l’économie altruiste dont la finalité première est de se mettre au service de la société. C’est ce qu’on appelle une ‟économie sociale”. La charité peut aider de manière momentanée et ponctuelle, mais n’a pas d’effet continu. L’économie sociale, elle, peut aider durablement la société.
C’est une économie viable et qui peut être aussi profitable qu’une économie égoïste, mais son bénéficiaire direct est la société. Vous pouvez par exemple fonder une entreprise dans le but de créer cent postes de travail ou de fournir de l’eau propre et bon marché à de nombreuses communautés. Voilà les objectifs poursuivis, qui diffèrent de la recherche de profit par amour de l’argent. Vous réussissez à créer ces postes ou à fournir cette eau nécessaire, voilà les indicateurs de votre succès, voilà les données qui constituent votre bilan à la fin de l’année.
Aujourd’hui, l’essentiel de la technologie est mise au service d’entreprises égoïstes. Or cette même technologie pourrait être mise au service d’entreprises altruistes. On pourrait du reste créer une bourse des entreprises sociales qui fonctionnerait comme les autres bourses, ce qui permettrait aux gens d’investir dans l’économie altruiste. L’objectif n’est pas de remplacer ou de concurrencer l’économie traditionnelle, mais de proposer une autre option, afin que l’économie altruiste puisse faire davantage de bien dans le monde.”