Tel est le titre du récent livre de Marc Giraud. Bonne question car, comme le souligne l’auteur, « L’extrême complexité des lois et des règlements qui régissent la chasse de loisir, ainsi que leurs inévitables dérogations, tolérances et autres exceptions, empêchent les usagers de la nature de comprendre ce qu’il est possible ou non de faire dans les bois. »
Sur les chemins publics, les chasseurs en activité demandent souvent aux promeneurs de faire demi-tour par mesure de sécurité. Ils posent des panneaux tels qu’« Attention chasse en cours », toutefois ceux-ci n’ont aucune valeur légale pour interdire la circulation. Vous pouvez donc passer — à vos risques et périls.
Les citoyens qui poseraient des panneaux du genre, « Attention balade en cours », « photo de nature en cours » ou « observations ornithologiques en cours », risqueraient fort d’être la risée des chasseurs, ou pire : le 9 août 2013, des photographes d’oiseaux se font tirer dessus dans un marais du Nord à Hondschoote.
Chaque année, plus de 200 millions de cartouches sont tirées dans les campagnes françaises, un quart lors de ball-traps et le reste pour la chasse. Avec une portée dangereuse de trois kilomètres, les balles perdues font peur aux chasseurs eux-mêmes. On compte en moyenne 150 à 200 blessés et une vingtaine de morts par an. Mais tous les accidents ne sont pas recensés. Le 29 août 2013, en Picardie, un enfant de 6 ans est tué par son frère de 23 ans lors d’une partie de chasse. Le 3 octobre de la même année, à Vagnas, en Ardèche, un homme tire sur son fils, qui meurt malgré l’intervention des sapeurs-pompiers. Le 30, un apiculteur est abattu par un chasseur dans les Alpes-Maritimes.
En décembre 2007, le tribunal correctionnel de Draguignan juge un récidiviste ayant déjà tué un adolescent de 12 ans à la chasse en 1985. Il n’avait alors écopé que de dix-huit mois avec sursis, et d’un retrait du permis pendant cinq ans, les peines prononcées pour un homicide à la chasse, même en cas d’imprudence manifeste, consistant en général à la prison avec sursis. Cette fois-ci, l’homme de 63 ans était rabatteur lors d’une battue. Il n’était donc pas censé se servir d’une arme. Il a néanmoins tiré à deux reprises sur un chasseur en le « prenant pour un sanglier ». Il est condamné à trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis. Bref, deux vies = un an ferme.
Vous ne devez en aucun cas conduire en état d’ivresse, mais vous pouvez aller à la chasse. En effet, l’infraction de « chasse en état d’ivresse » n’existe pas. L’état alcoolique n’est pas considéré comme une circonstance aggravante en cas d’homicide à la chasse. Les gardes-chasses n’ont pas le droit d’appréhender les personnes en état d’ébriété. Tout ce qu’ils peuvent faire, lorsque cet état pose un risque avéré pour la sécurité publique lors d’une en action de chasse, c’est d’avertir le préfet qui est en droit de faire procéder à la confiscation des armes. Pendant tout ce temps-là, il peut se passer beaucoup de choses…
En France, la loi ne prévoit aucune journée nationale hebdomadaire de trêve de la chasse qui garantirait la sécurité des promeneurs. Tous les autres pays européens observent des « jours de non-chasse ». En Suisse, dans le canton de Neuchâtel, trois jours sans chasse dont le dimanche obligatoirement ; dans le canton de Genève, pas de chasse du tout, toute l’année. En Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, pas de chasse le dimanche. En Espagne, deux à trois jours de chasse par semaine selon les provinces. Au Portugal, la chasse n’est autorisée que le jeudi et le dimanche.
Lorsque je suis en France et que je rends visite à ma mère de 91 ans qui vit dans la belle campagne de Dordogne, durant la saison de chasse, j’hésite à me promener seul et silencieux dans les bois, hors des sentiers battus, de crainte que nos amis chasseurs ne me prennent pour un chevreuil venu de l’Himalaya…
Giraud, M. (2014). Comment se promener dans les bois sans se faire tirer dessus. Paris : Allary Éditions.