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Bonheur National Brut et Produit National Brut -1

En Juillet 2011, une résolution sur « Le bonheur: vers une approche holistique du développement » présentée par le Royaume du Bhoutan a été adoptée à l’unanimité par les 193 États-membres.

Le 2 Avril prochain de un débat, auquel je participerai, aura lieu au siège de l’ONU à New York, sous les auspices du Premier ministre du Bhoutan, SE Jigmi Thinley, pour discuter de la mise en œuvre de cette résolution.

En préparation de cette réunion, le Premier ministre du Bhoutan a publié une déclaration inspirante sur la façon dont le Bhoutan conçoit son « capital national » et en fait la comptabilité. Voici quelques extraits de cette déclaration qui met l’accent sur le fait que le bonheur national brut (BNB) est plus important que le produit national brut (PIB).

« À une époque de dévastation environnementale et de destruction culturelle globales, à un moment de faillite montante et d’effondrement de notre ordre économique mondial, le monde a désespérément besoin d’une alternative à l’obsession matérialiste et consumériste qui a provoqué de tels ravages. Si nous pouvons démontrer la viabilité pratique d’une comptabilité fonctionnant à partir du BNB (et non pas du PNB), capable ainsi de fixer un cap et d’aller de l’avant de façon saine et équilibrée, ce serait l’une des plus grandes contributions de notre petit pays au reste du monde.

Examinons notre réalité actuelle : la façon dont le monde entier tient ses comptes nationaux aujourd’hui est consacrée par le système officiel mondial des Comptes Nationaux, lui-même entériné par les Nations Unies, la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International, et par tous les gouvernements dans le monde. C’est la raison pour laquelle le PIB est comparable mondialement d’Addis Abeba à Buenos Aires.

Il est difficile de remettre en question ce credo. Et pourtant il le faut, car ce système universellement accepté par tous se base sur certaines prémisses qui ont conduit les gouvernements à adopter les politiques les plus déroutantes, les plus déconcertantes et les plus destructrices que l’on puisse imaginer. Nous devons vraiment remettre cela en question si nous voulons sérieusement esquisser un pas en avant vers un BNB sain et équilibré autant pour nous-mêmes que pour le monde entier.

Le credo conventionnel et universellement admis par tous, globalement, est le suivant : plus l’économie croît selon les critères de croissance du PIB et plus nous serons riches et prospères. Mais réfléchissons à cela : Etant donné que le PIB ne prend en compte que les transactions monétaires du marché, il se fourvoie en mesurant l’épuisement et la dégradation de notre richesse naturelle comme s’il s’agissait de gain économique, ce qui est erroné.

Si nous devions abattre toutes nos forêts au Bhoutan, le PIB exploserait car il ne mesure la valeur du bois que lorsque les arbres sont débités et vendus sur le marché. Le PIB ne prend pas du tout en compte les ressources restantes, et par conséquent il ignore complètement la valeur de nos forêts vivantes et non abattues.

Et cependant, comme nous le savons très bien et comme le reconnaît d’ailleurs sagement notre propre constitution en choisissant de conserver la plupart de la couverture forestière du pays, nos forêts vivantes ont une immense valeur : elle protègent la vie sauvage, la biodiversité, les bassins fluviaux, les sols et les lieux sacrés ; elles permettent aussi d’emmagasiner le carbone de l’atmosphère, de réduire les dangers de glissement de terrain, et bien d’autres choses encore. Étant donné que ces valeurs sont invisible dans le PNB, il n’est pas étonnant que le monde ait accumulé une dette écologique massive qui n’apparaît nulle part dans les comptes nationaux d’aucun pays.

Etablir les comptes de cette façon, comme le fait le monde actuellement, c’est un peu comme si le propriétaire d’une usine vendait ses machines et comptabilisait le produit de la vente comme du profit, quand bien même il n’aurait plus rien à produire l’année suivante. Et pourtant c’est bien de cette façon que les comptes nationaux sont établis dans le monde, y compris par nous-mêmes au Bhoutan ! C’est totalement absurde et ridicule !

Il y a tellement d’exemples qui illustrent cette absurdité… Plus nous brûlons de carburants fossiles en produisant des gaz à effet de serre, plus le PIB augmentera, et plus alors nous serons riches, selon le dogme économique conventionnel ! les vrais coûts du changement climatique demeurent invisibles. C’est pour cette raison, comme nous l’avons appris à nos dépens en assistant à la dévastatrice fuite de pétrole dans le Golfe du Mexique, que les vrais coûts du carburant ne se reflètent jamais dans le prix affiché à la pompe, tout simplement parce que nos systèmes de comptabilité actuels ignorent les coûts et les bénéfices écologiques. La triste ironie du sort fait en sorte que les désastres naturels ou induits par l’homme entraînent une augmentation du PIB, simplement en raison des dépenses affectées aux coûts de réparation ou de nettoyage.

(à suivre…)