Une autre fois, tandis que tous les moines d’É étaient partis pour Tcheubar, Ngultchou Thogmé — qui avait alors vingt ans — aperçut près de la grande porte du monastère une femme infirme qui pleurait.
Quand il lui demanda la raison de son chagrin, elle lui expliqua que c’était à cause du départ des moines : elle se trouvait abandonnée, sans plus personne pour lui faire l’aumône. Thogmé la rassura, et il promit de revenir la chercher.
Le jeune homme monta ses propres effets à Tcheubar, puis après une brève halte, s’en repartit muni d’une corde. De loin, ses amis l’interpellèrent en lui demandant où il allait. Thogmé leur expliqua qu’il retournait chercher l’infirme, mais personne ne le crut.
De retour à É, il comprit qu’il ne pourrait se charger à la fois de la femme et des bagages de celle-ci. Alors il porta alternativement sur une certaine distance ses vêtements et son tapis, puis la femme elle-même, et il réussit de la sorte à rejoindre Tcheubar.
Les amis deThogmé ne cachèrent rien de leur stupéfaction. Ils lui expliquèrent qu’ils l’avaient cru parti chercher du bois et déclarèrent que ce qu’il avait accompli était vraiment merveilleux.
Extrait de Au coeur de la compassion, de Dilgo Khyentse Rinpotché, Editions Padmakara