C’est au Tsang, dans le Tibet central, à quelques kilomètres au sud-ouest du monastère de Sakya, que naquit le grand sage Gyalsé Ngultchou Thogmé. Dès qu’il commença à parler, chacun vit qu’il n’était que compassion. Un jour, assis sur les genoux de sa mère, il se mit à pleurer à chaudes larmes alors qu’un coup de vent entraînait au loin une feuille.
— Pourquoi pleures-tu ? demanda sa mère.
L’enfant montra du doigt la feuille qui s’éloignait et répondit :
— Le vent emporte un animal vers le ciel !
Une autre fois — il savait déjà marcher —, Ngultchou Thogmé sortit, puis rentra quelques minutes plus tard, tout nu, à la grande surprise de sa mère :
— Qu’as-tu fait de tes vêtements ?
— Quelqu’un avait froid dehors.
Sa mère alla voir de qui il s’agissait, et elle découvrit que son fils avait recouvert de ses habits un buisson blanc de givre ; il avait même pris soin de placer quelques pierres sur les pans du manteau pour le lester.
En jouant avec ses amis, Ngultchou Thogmé ne se souciait jamais de gagner ; il était même désolé quand un autre que lui perdait. S’il partait à la recherche de petit bois, il se réjouissait quand ses camarades en trouvaient, dût-il lui-même rentrer les mains vides. Et s’il était le seul à en trouver, il aidait ses compagnons dans leur recherche ou leur donnait son propre bois pour qu’ils ne se fassent pas gronder. Par ailleurs, en guise de jeux, il construisait de petits stoupas ou faisait semblant de recevoir et de transmettre des enseignements.
Bref, à l’instar de tous les grands sages, Gyalsé Thogmé souffrait plus que les êtres qui souffraient, et sa joie dépassait la leur quand ils étaient heureux.
Extrait de Au coeur de la compassion, de Dilgo Khyentse Rinpotché, Editions Padmakara