‟La bonté humaine” de Jacques Lecomte (Odile Jacob), est l’un de ces remarquables livres qui devraient guider notre société en nous aidant à prendre conscience que nous avons en nous un potentiel fondamental de bonté. Ce bel ouvrage montre, comme le disait Nelson Mandela, que « la bonté de l’homme est une flamme qu’on peut cacher mais qu’on ne peut jamais éteindre, » que la violence et l’égoïsme existent, mais ne correspondent pas à la nature profonde de l’être humain — les satisfactions qu’ils peuvent procurer ne sont que de fragiles faux-semblants. L’être humain a des potentialités pour la bonté comme pour la cruauté et tout dépend de celles que nous nourrirons.
Au fil des pages, le lecteur découvrira que beaucoup de certitudes sur la violence et l’égoïsme sont fondées sur des affirmations sans preuves, souvent sur des rumeurs. Les recherches ont montré par exemple que, contrairement aux idées reçues, lors des catastrophes naturelles, il n’y a pratiquement pas de pillages et de violences, mais beaucoup d’altruisme et de solidarité. Dans un autre domaine, les vingt dernières années de recherche ont montré que les enfants sont loin d’être des petites brutes centrées sur elles-mêmes, comme le pensaient certains, mais qu’ils sont spontanément altruistes, sans avoir besoin d’y avoir été éduqués ou contraints. Jacques Lecomte nous offre également un chapitre particulièrement émouvant sur le pardon.
« La bonté humaine » est émaillée de citations inspirantes comme celle de Primo Levi, qui interné dans un camp auxiliaire d’Auschwitz, travaillait dans une usine de production de caoutchouc. Il raconte que chaque jour, pendant six mois, un ouvrier italien lui a apporté un morceau de pain et sa gamelle de soupe ; il lui a également donné un chandail. « Il ne demanda rien et n’accepta rien en échange, parce qu’il était bon et simple, et ne pensait pas que faire le bien dût rapporter quelque chose. ( ) Je crois que c’est justement à Lorenzo que je dois d’être encore vivant aujourd’hui, non pas tant pour son aide matérielle que pour m’avoir constamment rappelé, par sa présence, par sa façon si simple et facile d’être bon, qu’il existait encore, en dehors du nôtre, un monde juste, des choses et des êtres encore purs et intègres que ni la corruption ni la barbarie n’avaient contaminés, qui étaient demeurés étrangers à la haine et à la peur ; quelque chose d’indéfinissable, comme une lointaine possibilité de bonté, pour laquelle il valait la peine de se conserver vivant. ( ) Lorenzo était un homme : son humanité était pure et intacte, il n’appartenait pas à ce monde de négation. C’est à Lorenzo que je dois de n’avoir pas oublié que moi aussi j’étais un homme. »
Je travaille moi-même depuis quelques années à un volume sur l’altruisme, et la lecture du livre de Jacques Lecomte m’a fait pensé que j’aurais presque pu m’épargner cette tâche ! Mais, dans ce domaine, trop de voix ne risquent pas de nuire, et je poursuis donc mon ouvrage.
Jacques Lecomte enseigne à l’université Paris-Ouest-Nanterre-La Défense et est le président de l’Association française de psychologie positive.