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Une visite au Collège des va-nu-pieds en Inde – 1

Tilonia 109 Tilonia 257

En février dernier, accompagné de collaborateurs de notre association humanitaire, Karuna-Shechen, j’ai eu la joie de rendre visite à notre ami Sanjit ‟Bunker” Roy au Collège de Vas-nu-pieds qu’il a fondé il y a prés de quarante ans.

Bunker raconte comment à l’âge de vingt ans, fils de bonne famille éduqué dans l’un des plus prestigieux collèges de l’Inde, il était destiné à une belle carrière. Sa mère le voyait déjà médecin, ingénieur ou fonctionnaire de la Banque Mondiale. Cette année-là, en 1965, une terrible famine éclata dans la province du Bihar, l’une des plus pauvres de l’Inde. Bunker décida d’aller voir sur place avec des amis de son âge ce qui se passait dans les villages les plus affectés. Il en revint quelques semaines plus tard et déclara à sa mère qu’il voulait aller vivre dans un village. Après un moment de silence consterné, sa mère lui demanda : « Et qu’est-ce que tu vas faire dans un village ? » Bunker répondit : « Travailler comme ouvrier non qualifié pour creuser des puits. »

« Ma mère tomba presque dans le coma», raconte Bunker. Les autres membres de la famille tentèrent de la rassurer en lui disant : « Ne t’inquiète pas, comme tous les adolescents, il fait sa crise d’idéalisme. Après avoir peiné quelques semaines sur place, il aura vite fait de déchanter et il reviendra. »

Mais Bunker ne revint pas et resta quarante ans dans les villages. Pendant six ans, il creusa au marteau-piqueur trois cents puits dans les campagnes du Rajasthan. Sa mère ne lui adressa plus la parole pendant des années. Quand il s’installa au village de Tilonia, les autorités locales ne comprenaient pas non plus que quelqu’un de son extraction sociale et doté d’un pareil niveau d’éducation veuille travailler dans un pauvre village.

Á Tilonia, Bunker Roy a fondé le « Collège des va-nu-pieds » (Barefoot College), dans lequel même les enseignants n’ont aucun diplôme mais partagent leur expérience fondée sur des années de pratique. Tout le monde y vit simplement, dans le style des communautés de Gandhi, et personne n’est payé plus de 100 euros par mois.

Bunker se rendit compte en effet qu’il pouvait faire davantage que de creuser des puits. Il décida tout d’abord de remédier plus efficacement à la pénurie en eau qui affectait toute la région. Il lança un vaste programme de collecte et de rétention de l’eau de pluie qui transforma la vie de nombreuses femmes qui devaient marcher des kilomètres chaque jour pour aller chercher de l’eau douce.

Il décida en suite d’entraîner de jeunes grands-mères illettrées pour qu’elles deviennent des « ingénieures solaires », compétentes dans la fabrication de panneaux voltaïques.

Bunker fut longtemps ignoré, puis critiqué par les autorités locales et les organisations internationales, y compris la Banque Mondiale. Mais, il a persévéré et a formé des centaines de femmes illettrées qui ont assuré l’électrification solaire de près d’un millier de villages en Inde ainsi que dans vingt-sept pays. Son action est désormais soutenue par le gouvernement indien et par d’autres organisations ; elle est citée en exemple un peu partout dans le monde.

Le Barefoot College et notre association Karuna-Shechen collaborent activement en Inde et au Népal pour des projets d’électrification solaire et de collecte d’eau de pluie.